"On risque de casser une dynamique de prévention"

par Sonia Granaux sociologue du travail, ingénieure de recherche à l'université du Havre / juillet 2015

"On peut légitimement se demander quel est l'objectif du regroupement des instances représentatives du personnel dans la DUP. Est-ce pour valoriser l'expertise des CHSCT en la croisant avec d'autres ou bien pour la noyer au sein d'une délégation où vont se mélanger des compétences de natures très différentes ? L'autonomie du CHSCT, souverain dans ses analyses et décisions, indépendant du comité d'entreprise, pourrait être remise en question. Ce serait une régression par rapport aux lois Auroux, qui avaient sorti du comité d'entreprise la réflexion sur la prévention des risques professionnels. Et un coup porté à l'expression des salariés sur leurs conditions de travail, qui affaiblirait tout ce qui a été accompli jusqu'ici.

Il est particulièrement regrettable que cette évolution intervienne maintenant, dans une période où les syndicats mettent de plus en plus la santé au travail au coeur de leurs priorités. Il y a une réelle prise de conscience que le CHSCT, quand il fonctionne, peut être bien autre chose qu'une simple annexe du service sécurité. Il a la capacité, par exemple, de contester des plans de réorganisation aux effets délétères sur la santé des salariés. C'est une instance qui commence à faire référence, identifiée comme le groupe de travail sur la prévention et l'endroit où tout le monde se réunit, des ressources humaines au médecin du travail. On risque de casser une dynamique de prévention qui s'installait progressivement."