A la Direccte Franche-Comté, la souffrance fait débat

par Martine Rossard / juillet 2015

Des organisations syndicales reprochent à la direction régionale du travail de Franche-Comté d'avoir changé de service de santé au travail en raison de constats dérangeants sur la souffrance de ses agents. Ce qu'elle dément.

Début 2015, le directeur régional des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (Direccte) de Franche-Comté a changé de service de santé au travail. Une décision contestée. Prise sans consultation du CHSCT, pourtant prévue par la loi, elle est surtout intervenue après plusieurs alertes du médecin du travail alors en charge de la Direccte, la Dre Margaret Moreau, sur la souffrance des agents. Dans un tract, la CGT et le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST) y voient un lien de cause à effet, reprochant à la Direccte de ne pas respecter le rôle et les préconisations de la médecine du travail, alors qu'elle est censée en garantir l'indépendance. "Les principes sont bafoués ! Ce directeur se comporte comme un patron du privé refusant de travailler avec un médecin qui signale une organisation pathogène", dénonce le SNPST.

"Comme dans toute structure"

Interrogé, le directeur régional, Jean Ribeil, justifie le départ du service interentreprises AST25 par l'absence de convention signée avec lui. Il conteste également le fondement juridique de trois avis d'inaptitude ou d'aptitude avec restriction établis par le médecin du travail. Car, explique-t-il, "dans le public, le médecin de prévention doit adresser le salarié aux médecins agréés, qui seuls peuvent rédiger un avis d'inaptitude". S'il reconnaît l'existence de situations de souffrance, "comme dans toute structure", d'une surcharge de travail et d'un turn-over dans ses services, il tient aussi à souligner que les "objectifs individuels ont été abandonnés".

Dans un courrier d'alerte envoyé en décembre 2014, que Santé & Travail s'est procuré par voie syndicale, la Dre Moreau dresse pourtant un tableau inquiétant de la situation dans cette Direccte : multiplication des cas de burn-out, de dépression, des arrêts maladie prolongés et des visites médicales sollicitées "sans information de l'employeur à la demande des salariés". Elle y dénonce une banalisation de ses avertissements par la direction et celle du droit d'alerte émis par l'un des CHSCT. "Il ne s'agit plus seulement de risques psychosociaux, mais de troubles psychosociaux constatés, consécutifs à la réforme de l'Inspection du travail", soutient le médecin du travail, qui fait un lien entre ces troubles et des réorganisations dictées par le lean management

Inspecteur du travail et secrétaire CGT du CHSCT national du ministère du Travail, Gérald Le Corre désapprouve lui aussi la décision de la Direccte, tout en précisant que la prévention des risques et le dialogue social sur la santé au travail ne pèchent pas qu'en Franche-Comté. "Seules 7 Direccte sur 22 ont élaboré un bilan annuel de prévention à débattre en CHSCT.... Et je ne parle pas de la qualité des documents...", déplore-t-il. Il pointe l'insuffisance numérique des agents dans les sections territoriales de l'Inspection du travail, avec le départ en formation des contrôleurs, appelés par la réforme à devenir inspecteurs. "Nous constatons partout des tensions, mais au niveau national, la direction nous répond que c'est provisoire et renvoie vers le niveau local", déclare-t-il.