De gauche à droite : au premier rang, Christian Expert, Anne-Michèle Chartier, Martine Keryer, Gérard Behard, Cécile Hermeline, Bruno Bisson ; au second rang, Michel Petitot, Jean-Pierre Nieto, Caroline Cazeau, Alain Canton, Anne Dymny - © Nathanaël Mergui/Mutualité française
De gauche à droite : au premier rang, Christian Expert, Anne-Michèle Chartier, Martine Keryer, Gérard Behard, Cécile Hermeline, Bruno Bisson ; au second rang, Michel Petitot, Jean-Pierre Nieto, Caroline Cazeau, Alain Canton, Anne Dymny - © Nathanaël Mergui/Mutualité française

Burn-out et handicap, thèmes phares à la CFE-CGC

par Nathalie Quéruel / octobre 2017

Rentrée chargée pour l'équipe santé au travail de la CFE-CGC. Vent debout contre la disparition annoncée du CHSCT, elle maintient le cap sur plusieurs fronts, tels que la reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle ou l'insertion des handicapés.

Prêts à réduire le nombre des élus et à mettre en péril vos conditions de travail ? Non, sacrifier votre santé au travail ne créera pas d'emplois !" Ce message sans ambages illustre bien la place prise par la santé au travail au sein de la CFE-CGC depuis une quinzaine d'années, sujet qui est traité chaque semaine lors de la réunion de son bureau national. Inspiré par la disparition programmée du CHSCT, le slogan figure sur l'une des huit affiches de la campagne de communication que le syndicat des cadres a lancée cet été pour mobiliser ses militants contre diverses dispositions de la réforme du Code du travail.

La fusion des trois instances représentatives du personnel (délégués du personnel, CE et CHSCT) en un nouveau comité social et économique inquiète la Dre Martine Keryer1 , secrétaire nationale confédérale en charge de la santé au travail et du handicap : "Une commission santé, sécurité et conditions de travail2 se substitue à l'actuel CHSCT et il faudra se battre au sein du Coct [Conseil d'orientation des conditions de travail, NDLR] pour que les décrets d'application lui donnent les moyens de fonctionner. Sinon, en forçant à peine le trait, la santé au travail sera mise au même niveau que l'arbre de Noël. Mais d'ores et déjà, on peut craindre que les élus, happés par les dossiers, n'aient plus le temps d'aller sur le terrain, au contact du réel du travail."

"Aucun secteur n'est épargné par le stress"

Or le travail, au cours des deux dernières décennies, a subi des évolutions majeures - mondialisation des activités, nouvelles technologies de la communication, pression temporelle, intensification - qui ont plongé la population cadre dans une grande difficulté. Comme le constate le Dr Bernard Salengro, expert santé au travail au sein du syndicat"toutes les fédérations témoignent de suicides, aucun secteur n'est épargné par le stress et l'épuisement professionnel, y compris dans la fonction publique. C'est pourquoi la santé au travail est devenue un thème central, d'autant que le système de prévention et de réparation actuel n'est pas adapté".

La reconnaissance en maladie professionnelle du burn-out, qui fait le lit des arrêts maladie longue durée, voire de l'inaptitude, est devenue le cheval de bataille de l'équipe santé au travail. Pour faire assumer le coût de ce syndrome aux entreprises qui le génèrent, tout en rendant justice aux victimes. Mais aussi pour obliger les employeurs, qui s'abritent sous le parapluie des facteurs personnels, à s'attaquer à la prévention de l'épuisement professionnel, dû à la surcharge de travail, aux horaires à rallonge des forfaits jours, au management par objectifs, etc. "Concernant l'accroissement de la charge de travail, les cadres ne sont pas privilégiés par rapport à d'autres catégories de salariés, rappelle la Dre Anne-Michèle Chartier, présidente du Syndicat des médecins et des professionnels des services de santé au travail CFE-CGC. Le stress ne se traduit pas seulement par des symptômes psychiques, dépression, anxiété ou insomnie : il augmente le risque de maladie cardiovasculaire, tels l'infarctus et l'AVC. La reconnaissance de la charge mentale de l'activité est une avancée indispensable."

Pour armer ses militants sur le terrain, le syndicat a imaginé une panoplie d'outils pédagogiques. Conçue en 2008 à partir de témoignages de cadres, la bande dessinée Stress. Et si on en faisait une maladie ? est diffusée pour lutter contre le stéréotype du "bon stress" et pour promouvoir les pistes d'action préconisées par la CFC-CGC en matière de prévention des risques psychosociaux ; une version animée vient compléter les trois livrets publiés. Dans le même ordre d'idées, un Guide de prévention du burn-out a été édité en 2015 et a été remis à jour cette année sous le titre Comment identifier le burn-out ? Comment mieux le prévenir ?. Par ailleurs, un des volets d'une BD consacrée au CHSCT décortique le lean, ses objectifs, son langage, sa conception réductrice du travail qui, entraînant tensions et contraintes propices au stress, place cette forme d'organisation de la production en tête des méthodes délétères.

Négocier l'usage d'une langue étrangère

Autre facteur de stress dans les entreprises aux activités mondialisées ? "L'utilisation quotidienne ou fréquente d'une langue étrangère implique une charge cognitive accrue, estime Bernard Salengro. Après avoir organisé un colloque en 2012 sur les pratiques linguistiques en milieu de travail, nous préparons aujourd'hui un webdocumentaire, en collaboration avec à la fois des universitaires et des représentants syndicaux de firmes concernées. Notre intention est d'en faire un outil syndical, d'inciter les militants à s'approprier la question afin qu'elle devienne un objet de négociation

La CFE-CGC et la santé en 6 dates
  • 2007 : Lancement du blog du réseau handicap, handiblog.cfecgc.org.
  • 2008 : Bande dessinée Stress. Et si on en faisait une maladie ?
  • 2011 : Bande dessinée CHSCT 2. Parlons lean
  • 2012 : Colloque sur les pratiques linguistiques en milieu de travail.
  • 2015 : Guide de prévention du burn-out et Guide handicap CFE-CGC.
  • 2017 : Comment identifier le burn-out ? Comment mieux le prévenir ?

Introduit dans la loi El Khomri, le droit à la déconnexion, qui se pose sur le papier comme une avancée pour les cadres, est aussi l'occasion de faire passer des messages nécessaires. "Traiter ses mails le soir ou le week-end peut être une façon de gérer sa charge de travail avec moins de stress, observe Anne-Michèle Chartier. Il y a désormais une obligation de négocier, mais il faut ouvrir le débat au-delà de la question des horaires, sur l'organisation du travail qui pousse les cadres à consulter leur messagerie à tout moment." De même, le syndicat prône un encadrement du télétravail : "S'il évite la fatigue des déplacements, il réduit les contacts sociaux et la régulation par le collectif. Il faut donc être vigilant sur ces points", juge le Dr Christian Expert, référent santé au travail et animateur des formations sur la prévention des risques psychosociaux.

Le handicap psychique, axe d'action original

Surtout, la CFE-CGC s'est résolument engagée sur le handicap. Pour lever les préjugés et aménager les environnements et les méthodes de travail permettant l'insertion professionnelle des personnes handicapées, elle agit à travers un réseau animé par le délégué national handicap Christophe Roth et constitué d'une centaine de "référents handicap" régionaux formés. S'ajoutent un groupe interfédéral représentant tous les secteurs d'activité et un groupe de pilotage interprofessionnel restreint. Depuis dix ans, des objectifs en matière d'organisation de colloques et débats, de formation des adhérents ou encore de production de supports de communication sont fixés en collaboration avec l'Agefiph3 "La dernière convention, signée en décembre 2016, axe davantage notre action sur le handicap psychique, le plus complexe et le moins souvent traité dans le milieu professionnel", indique Martine Keryer. Un quiz informatif sous forme de carte à gratter et trois vidéos ont déjà été réalisés. Un enrichissement du Guide handicap est à l'ordre du jour, ainsi qu'une formation spécifique des membres du réseau.

Parce que la situation de handicap impacte également les proches, la CFE-CGC milite pour la reconnaissance des aidants familiaux et la mise en place d'un véritable statut. Les accords d'entreprise portant sur le handicap ou la qualité de vie au travail devraient, soutient-elle, comporter des dispositions dans ce sens : maintien des cotisations à temps plein en cas de congés non rémunérés, mise en place de temps partiels atypiques, modalités spécifiques de télétravail, etc. Martine Keryer résume simplement ce volontarisme : "Nous voulons être exemplaires."

  • 1

    Médecin du travail, comme les autres membres de l'équipe santé au travail s'exprimant dans l'article.

  • 2

    La mise en place de cette commission ne sera obligatoire que dans les entreprises de plus de 300 salariés, celles classées "Seveso", ou bien sur demande de l'Inspection du travail. Voir article page 20 de ce numéro.

  • 3

    Organisme gérant le fonds pour l'insertion des personnes handicapées.