Chantage sur la préretraite amiante à Arc International

par Martine Rossard / avril 2015

Le repreneur américain du groupe verrier Arc International a exigé l'abandon de la demande de classement de l'entreprise en site amiante, qui ouvre droit à des préretraites pour les salariés exposés. Avant de faire marche arrière, en apparence.

Le droit des salariés exposés à l'amiante à partir plus tôt en retraite est-il négociable ? Certains le pensent. En décembre 2014, le fonds d'investissement américain Peaked Hill Partners (PHP) a ainsi conditionné sa reprise du groupe verrier Arc International par l'abandon de la demande d'inscription de l'entreprise sur la liste des établissements ouvrant droit au versement de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (Acaata). Une demande déposée en 2012 par le syndicat Unsa d'Arc International.

En février, le repreneur a assoupli sa position. "Nous avons obtenu de PHP l'abandon de la clause suspensive concernant la demande de classement, mais tous les syndicats s'engagent à ne pas faire appel en cas de décision négative", déclare Pierre Lubin, délégué syndical Unsa. Le repreneur a aussi cessé de réclamer l'arrêt de l'assistance prodiguée par ce syndicat aux salariés et retraités atteints d'un cancer, dans le cadre de sa permanence sur le site d'Arques (Pas-de-Calais). Dans l'intervalle, avant de rencontrer PHP, l'Unsa s'était mobilisée, avec deux manifestations, dont l'une appuyée par la CFTC et Sud chimie.

Un classement en site amiante permettrait à environ 1 200 salariés de 50 ans et plus d'anticiper leur départ en retraite, sur les 6 000 que compte le groupe. Une demande légitime pour ceux qui, exposés à l'amiante, comptent bénéficier de quelques années de retraite si possible en bonne santé. D'après les bilans sociaux d'Arc International, près de 200 maladies professionnelles liées à l'amiante ont déjà été reconnues. "Un chiffre à multiplier par deux, compte tenu des 7 000 salariés partis", précise Jean-Pierre Yonnet, d'Orseu expertise, cabinet qui a assisté l'Unsa pour l'Acaata et les discussions avec PHP.

"Scandaleux" et "cynique"

Les exigences de PHP, qualifiées de "chantage" côté syndical, s'expliquent par des besoins en effectifs calés sur des objectifs de production censés limiter les licenciements. Alain Bobbio, secrétaire de l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva), juge "scandaleux" d'opposer santé et emploi et "cynique" de refuser une préretraite à ceux dont l'espérance de vie est en jeu. "Des employeurs freinent pour l'Acaata par crainte de recours en faute inexcusable, pour préjudice d'anxiété, ou encore par crainte des reconnaissances de maladies professionnelles", dénonce-t-il.

La direction d'Arc International n'a pas souhaité répondre à nos questions. Mais dans un entretien au Monde, en février, Didier Rebel, de PHP, misait sur "une décision négative" pour le classement en site amiante. Au ministère du Travail, on assure que nul ne peut préjuger de la décision, car l'enquête suit son cours. Le dossier sera examiné en mai ou juin par la commission accidents du travail et maladies professionnelles de la Sécurité sociale. Etape préalable à un éventuel arrêté pris par les ministères du Travail, de la Santé et du Budget. Le coût du classement, estimé à 300 ou 400 millions d'euros, est-il pris en considération pour la décision ? "Non, il n'y a pas de refus pour des raisons budgétaires, mais, inversement, l'Acaata n'est pas là pour financer les départs dans un plan social nous répond-on.