Pesticides : Phytovictimes fait plier Monsanto

par Rozenn Le Saint / 14 septembre 2015

La cour d’appel de Lyon a confirmé le 11 septembre la responsabilité du géant américain des pesticides, Monsanto, dans l’intoxication de Paul François, président de l’association Phytovictimes. Une décision qui ouvre une brèche pour les agriculteurs.

Une victoire historique. C’est la preuve que « le pot de terre peut gagner contre le pot de fer », selon le président de l’association Phytovictimes, Paul François, le céréalier charentais intoxiqué en 2004 après avoir inhalé des vapeurs de Lasso, un herbicide de Monsanto. La cour d’appel de Lyon a confirmé le 11 septembre le jugement qui avait reconnu le géant américain responsable de son intoxication.

« Cela ouvre une brèche pour les agriculteurs et salariés agricoles victimes des pesticides. La responsabilité de Monsanto est reconnue, la preuve de l’intoxication est rapportée, elles pourront l’être à nouveau », affirme François Lafforgue, l’avocat de Paul François. Même si, pour l’heure, on ne peut pas parler de jurisprudence, puisque la firme américaine annonce un pourvoi en cassation.

Responsabilité des autorités sanitaires ?

L’examen de l’arrêt de la cour d’appel ne manquera pas de susciter des débats. Les magistrats n’ont pas retenu le non-respect de l’obligation de vigilance de Monsanto, alors que son herbicide avait déjà été interdit au Canada en 1985 et en Grande-Bretagne en 1992. Motif invoqué : l’Etat français l’avait homologué. Cela confirme la lourde responsabilité qui pèse sur les autorités sanitaires chargées de délivrer les autorisations de mise sur le marché… et le risque qu’un jour des victimes se retournent contre elles.

En revanche, la cour a retenu que Monsanto avait manqué à son obligation d’information en n’indiquant pas sur l’étiquette la dangerosité du produit (et notamment la présence à près de 50 % du très toxique monochlorobenzène), ni les moyens de s’en protéger. « A aucun moment il n’est fait mention de la nécessité de se prémunir de ce produit via des masques respiratoires filtrants », indique l’avocat de Paul François.

« Stratégie de déni »

Si la loi française n’autorise pas les actions de groupe (class actions) dans les affaires liées à l’environnement ou à la santé au travail, les dossiers contre Monsanto et les autres mastodontes du secteur phytosanitaire commencent à s’accumuler sur le bureau de François Lafforgue : 42 sont en cours. Pour la plupart, ils en sont encore à la première étape, celle de la reconnaissance de la maladie professionnelle, avant d’enclencher la deuxième, celle de la responsabilité des industriels. « Monsanto continue sa stratégie de déni en affirmant que l’on n’apporte pas la preuve de l’intoxication. Pourtant, notre plaidoirie de trois heures devant la cour d’appel, qui a examiné les 200 pièces du dossier, nous a donné raison », se  félicite l’avocat.

  

LE RAPPORT COMBREXELLE SOUS LE PRISME DE LA SANTÉ AU TRAVAIL

Revoir l’architecture du Code du travail pour laisser davantage de « respiration » à la négociation collective dans les branches et dans les entreprises, tel est le credo du rapport Combrexelle remis le 10 septembre au Premier ministre. Si la santé et la sécurité du travail devraient faire partie du noyau dur des mesures d’ordre public restant du domaine de la loi, les conditions de travail sont reconnues comme l’un des quatre domaines dans lesquels la négociation collective devrait être renforcée. On retiendra, parmi les 44 propositions du rapport, la généralisation du principe de l’accord majoritaire et le passage des accords à une durée déterminée qui ne pourrait pas excéder quatre ans. 

« Tout n’est pas de l’ordre du négociable »

Pierre-Yves Verkindt, professeur de droit social à l’université Paris-Sorbonne et spécialiste des questions de santé et sécurité au travail, salue le rapport, tout en émettant deux précautions primordiales. D’abord, « l’Etat doit veiller à rappeler que tout n’est pas de l’ordre du négociable. Le législateur doit garder la main si des négociations ne prennent pas suffisamment en compte la santé au travail ». Ensuite, « ce n’est pas parce qu’on est dans le champ du conventionnel ou du contractuel que les décisions prises sont forcément justes. Cela suppose que les branches jouent pleinement leur rôle et que les négociations s’effectuent avec des personnes formées qui connaissent bien les métiers de la branche ».

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