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Sortir de la spirale de l'inaptitude

par François Desriaux / octobre 2014

Sur le papier, le maintien dans l'emploi, notamment celui des salariés vieillissants, fait partie des priorités des entreprises, des partenaires sociaux et des politiques. On peut même parier que ce thème figurera en très bonne place dans le futur plan santé-travail, troisième du nom.

Mais dans la vraie vie, il n'en est rien. Des experts avancent le chiffre de 1 million de salariés qui, chaque année, se voient notifier des avis de restrictions d'aptitude. Plusieurs dizaines de milliers d'entre eux sont déclarés inaptes à tout poste dans l'entreprise et sont licenciés. Avec peu de chances de retrouver un emploi. Selon plusieurs enquêtes régionales, l'inaptitude explose. Comment pourrait-il en être autrement ? Le travail s'intensifie, celui de nuit augmente, les troubles musculo-squelettiques restent la première cause de maladies professionnelles... Et dès lors que, dans le même temps, on recule l'âge de la retraite, il ne faut pas s'étonner qu'un nombre croissant de salariés ne tienne plus. Parce que leur état de santé n'est pas compatible avec des conditions de travail de plus en plus sélectives ou qu'ils sont usés par leurs expositions professionnelles passées.

Pour sortir de la spirale de l'inaptitude, on n'a pas tout essayé. Plusieurs dispositifs et acteurs peuvent être sollicités et ne le sont pas. Enfin, un emploi et une santé durables supposent un travail soutenable. A ces conditions, il est possible d'inverser la courbe !

L'Agefiph améliore son offre d'intervention

par Clotilde de Gastines / octobre 2014

Analyser les situations de travail afin d'adapter l'aide apportée au maintien dans l'emploi, c'est la nouvelle politique de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées. Résultats à la clé.

Depuis 2012, le maintien dans l'emploi est une des priorités de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). Un tiers du budget de cet organisme paritaire lui est consacré, soit 92,5 millions d'euros en 2013. Avec des résultats affichés plutôt encourageants.

Ainsi, sur environ 23 000 interventions des services d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés (Sameth, qui dépendent de l'Agefiph), plus de 17 000 ont débouché sur un maintien du salarié à son poste ou dans l'entreprise. Des réussites qui concernent des salariés âgés de 55 ans en moyenne, dont le handicap s'aggrave. Dans les cas restants, l'intervention a échoué pour cause de déménagement ou de décès du salarié, ou parce que l'employeur n'a pas souhaité suivre les recommandations du Sameth.

Pour l'Agefiph, ce bilan positif tient en grande partie à l'amélioration de l'offre d'intervention. A l'origine, elle ne gérait que des aides financières automatiques, mais depuis 2012, l'Etat lui a confié l'instruction des dossiers qui en conditionne le versement. Les aides à la compensation pour les personnes handicapées sont moins foisonnantes et davantage forfaitisées. L'intervention se fait au cas par cas et donne lieu à une aide technique, financière ou organisationnelle.

Effet induit sur la prévention

L'important, c'est "la compensation du handicap en situation d'emploi, explique Annick Monfort, directrice de l'évaluation et de la prospective. La santé au travail fait partie du spectre d'analyse, mais ce n'est pas notre clé d'entrée". Sur le terrain, le Sameth doit néanmoins "tenir compte des effets de l'âge, des conditions de travail et de la maladie dans l'aménagement du poste de travail précise Jacques Marek, administrateur CGT de l'Agefiph.

Les Sameth ne peuvent attribuer d'aide qu'après une étude préalable à l'adaptation et l'aménagement des situations de travail. Une mesure phare, adaptée au fonctionnement des entreprises, selon une évaluation réalisée en 2012. Pour Annick Monfort, "l'instruction est souple et les interventions se complètent d'un effet induit sur la prévention des risques professionnels et l'amélioration des conditions de travail". Dans les faits, la réussite repose surtout sur l'implication du médecin du travail et la volonté commune d'aboutir du salarié, de l'employeur et du collectif de travail. Ainsi que sur la qualité des partenariats locaux avec les caisses d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) et les directions régionales du ministère du Travail. Par ailleurs, l'évaluation de 2012 pointait deux faiblesses : l'implication du management et les compétences en ergonomie des Sameth. Ceux-ci "ne comptent malheureusement pas toujours des ergonomes dans leurs rangs", observe ainsi Isabelle Fortier, médecin du travail.

Dans les grandes entreprises, l'existence de CHSCT et la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) "facilitent le maintien", estime Joseph Bellanca, administrateur FO. "La majorité des interventions de l'Agefiph a lieu dans des TPE-PME, où les difficultés d'un collaborateur impliquent davantage l'employeur", nuance de son côté France Colom, ex-administratrice CFDT. Si la plupart des grands groupes ont signé une convention triennale sur les questions de handicap avec l'Agefiph, celle-ci ne peut pas contrôler ce qu'ils font concrètement avec les moyens accordés. "L'Agefiph n'a pas de prise sur les employeurs", déplore ainsi Jacques Marek.