Pénibilité : jusqu'à cinq ans de départ anticipé en retraite pour des salariés exposés

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Serge Volkoff statisticien
/ janvier 2015

Quel pays a prévu jusqu'à cinq ans de départ anticipé en retraite pour des salariés exposés à des facteurs de pénibilité ? Réponse : la France, en 1975, plus précisément le 30 décembre. Eh oui, la France du président Giscard d'Estaing, du Premier ministre Chirac, qui annonçaient leur volonté de "revaloriser le travail manuel", créaient un secrétariat d'Etat dédié à cette "revalorisation", instituaient le repos compensateur en cas de durées hebdomadaires longues. Et, donc, ouvraient le droit à la retraite dès 60 ans - le seuil légal était de 65 ans à l'époque - pour les salariés qui auraient, dans les quinze années précédentes, passé cinq ans au four, à la chaîne, exposés aux intempéries ou encore en horaires alternants avec travail de nuit. Le dispositif a disparu en 1982, quand le seuil de départ en retraite a été établi à 60 ans pour tous. Entre-temps, la loi de 1975 n'avait provoqué ni tempête parlementaire, ni critiques fracassantes à la télévision, ni manifestation patronale, ni affirmation selon laquelle ces conditions d'ouverture de droits seraient beaucoup trop difficiles à établir, à mesurer, à vérifier.

Pourquoi, trente ans plus tard, la négociation interprofessionnelle sur le même sujet, ouverte par la réforme des retraites de 2003, s'est-elle complètement bloquée ? Pourquoi le démarrage du compte personnel de prévention de la pénibilité est-il tant contesté ? On laisse aux sociologues, aux juristes, plus tard aux historiens, le soin d'analyser le changement de climat social. Mais l'enjeu est clair : alors que se durcissent les conditions d'accès à la retraite, c'est le bon moment pour se souvenir que le travail lui-même, les contraintes et les nuisances qu'il impose, influencent la durée et la qualité de cette retraite, ce qui justifie un système de compensation, au moins partielle. Autrement dit, si les réglementations concernant la retraite reviennent vers le modèle social du milieu des années 1970, il est cohérent d'emprunter aussi à ce modèle une de ses composantes, qui faisait consensus à l'époque : le départ anticipé pour pénibilité.